A 7000 km de Paris, l’île de la Martinique offre un véritable « ailleurs ». D’autres senteurs, d’autres saveurs, d’autres sonorités, d’autres rythmes attendent le voyageur sur cette terre dont la diversité fascine.
A la Martinique, on peut uniquement se laisser porter par le temps qui passe, le bruit des vagues et du vent et se contenter de regarder ces nuages qui font bouger continuellement l’architecture du ciel. Nous sommes sous les tropiques.
On peut aussi bouger. Alors là, un conseil: dès que vous le pouvez, quittez les voies rapides de circulation et laissez-vous tenter par ces petites routes qui vous amèneront de surprise en surprise.
Sinueuses, « pentues », elles vont chercher le fin fond du « morne », c’est-à-dire de la colline, là où coule une rivière toujours nommée; puis sans vous laisser une seconde de répit, elles se ruent à l’assaut du versant opposé. Ainsi vous vous promènerez de morne en morne. Une végétation luxuriante, vous salue de chaque côté de ces routes d’où toute monotonie est exclue.
La mangouste et le serpent
De temps à autre, vous voyez une mangouste qui s’apprête à traverser sous votre nez. Méfiante, juste avant de s’engager, elle marque un temps d’arrête. Oh, ce n’est pas un animal à la beauté renversante, mais elle a une belle réputation. Quand les Martiniquais l’opposent au serpent trigonocéphale, dans ces combats traditionnels dont ils raffolent, la mangouste ne craint nullement d’affronter le terrible reptile. Elle sort même, presque à chaque fois, victorieuse du duel. La raison en est simple: elle est immunisée contre le venin du serpent.
Il y a en Martinique une route qui s’appelle « la route de la Trace ». Elle part de Fort-de-France et monte vers le nord de l’île, au milieu du Parc naturel régional. Elle traverse de pittoresques villages fleuris, comme Fond-Saint-Denis, Ajoupa-Bouillon, et contourne la montagne. Cette route est aujourd’hui devenue une sorte d’attraction touristique mais devrait rester, avant tout, une route du souvenir pour ceux qui la parcourent. C’est une route du souvenir, car elle fut d’abord un sentier tracé par ceux qu’on appelait « les nègres marrons », ces esclaves qui s’échappaient de l’habitation de leur maître pour recouvrer la liberté.
La naissance de la langue créole
Il faudra attendre 1848 pour que soit signé le décret officiel abolissant l’esclavage, grâce à la lutte acharnée du député Victor Schoelcher.
Deux siècles d’arrachement de population à l’Afrique et… »autre ». Autre, c’est-à-dire créole, une langue forgée par des gens venus d’horizons divers (Français, Espagnols, Portugais, Africains, Caraïbes, anglais des côtes américaines…).
Mais le plus passionnant peut-être dans cette histoire, c’est de voir comment, aujourd’hui les écrivains et les poètes antillais se souviennent de cette aventure douloureuse, pour faire l’éloge de ce qu’ils appellent « la créolité ».
Pour eux, ce qui s’est passé dans la mer Caraïbe, pendant trois siècles, a donné quelque chose de nouveau et d’imprévisible. Ils pensent qu’aujourd’hui c’est la Terre entière qui doit se créoliser, si elle veut « échapper aux oppositions ».
- À ne pas manquer
L’émouvante Montagne Pelée: il n’est pas aussi facile que sur les cartes postales de voir la montagne Pelée. Cette dame aux colères terribles, qui culmine à 1397 m, s’enveloppe assez souvent de nuages protecteurs qui la soustraient aux regards, comme si elle choisissait ses moments d’apparition. Peu importe, l’ascension de ce montagne mérite d’être tentée. Il suffit d’être équipé correctement, de prendre un accompagnateur. Il faut aussi marcher dans les ruines de Saint-Pierre, l’ancienne capitale de la Martinique qui fut détruite le 8 mai 1902 à 8h du matin. C’est émouvant de constater l’enchevêtrement du passé et du présent, de la vie et de la mort, dans cette ville tassée sur la mer et surplombée par ce volcan, invisible de la ville, caché par la falaise. - À goûter :
- Le accras, savoureux beignets de poisson.
- Le féroce, purée d’avocat mélangée à de la morue
- Le boudin créole
- Les blaffs, poissons blancs ou crustacés plongés dans de l’eau bouillante
- Les fricassées de lambis
- Le gratin de chritophine
- Et tous les colombos
- À savoir:
- Pour ne pas virer du blanc pâle au rouge vif douloureux, méfiez-vous du soleil des premiers jours. Apprivoisez-le lentement.
- Attention au mancenillier, un arbre qui produit un suc laiteux très venimeux. Il est généralement marqué d’un trait de peinture rouge.